L’idée soutenue dans cet article est que l’approche basée sur les capacités dynamiques ne constitue pas un cadre théorique satisfaisant pour comprendre à la fois ce que sont concrètement des capacités dynamique et leur processus de construction. En effet, le fait que les capacités dynamiques soient souvent envisagées par leurs conséquences et le manque d’études empiriques sur l’identification des capacités dynamiques rend ce concept flou et abstrait. Par ailleurs, le fait que les deux approches (l’approche managériale et l’approche évolutionniste) dont s’est doté le cadre théorique basé sur les capacités dynamiques, aient été développées séparément, nous amène à soulever un manque d’intégration des travaux qui permettrait une meilleure compréhension du processus de construction des capacités dynamiques. Par conséquent, cet article souligne les limites et les carences de l’approche basée sur les capacités dynamiques afin de proposer des perspectives de recherches.
Le management stratégique est au cœur des préoccupations des entreprises depuis toujours (McGrath, MacMillan and Venkataraman, 1995) et la création d’un avantage compétitif durable menant à l’atteinte de performances supérieures représente un véritable challenge pour les entreprises. Depuis les vingt dernières années, les études sur le sujet se sont succédées et les chercheurs dans le domaine ont proposé différentes approches pour expliquer les sources d’un tel avantage. Parmi celles-ci, la perspective basée sur les ressources et les compétences offre un cadre théorique cohérent en fonction duquel l’entreprise s’appuie sur ses actifs, tangibles et intangibles, pour développer son avantage compétitif (Wernerfelt, 1984; Barney, 1991; Teece, Pisano & Shuen, 1997).
En adoptant cette perspective comme assise théorique, l’objectif de cette étude est de déterminer l’influence relative des compétences organisationnelles comme source d’avantage compétitif sur la performance des entreprises dans le contexte spécifique de l’industrie du commerce de détail. À partir de deux typologies distinctes et complémentaires des compétences organisationnelles, des entrevues ont été réalisées auprès d’experts dans le domaine. Suite à une analyse qualitative des entrevues, une cartographie perceptuelle des experts à l’égard de ce type de compétences a été effectuée. Les résultats révèlent que trois compétences organisationnelles ont été jugées clés par les experts: (1) la capacité de l’entreprise à prendre en compte ses consommateurs et ses produits/services dans le développement de sa stratégie et de son offre d’affaires, (2) l’importance et les efforts accordés par l’entreprise dans le développement de relations harmonieuses avec ses fournisseurs et (3) la capacité de la firme à s’assurer de la loyauté de ses employés tout en étant elle-même loyale envers ces derniers.
Si la littérature sur les ressources appelle à étudier les déterminants internes de la performance des firmes, ce courant est confronté à de vives critiques concernant la difficulté à en extraire des recommandations managériales précises, ses catégories d’analyses trop larges et globalisantes, le caractère tautologique du lien entre ressources et performance, ou l’incapacité à nommer et à comprendre les ressources stratégiques de manière suffisamment fine. Dans cette communication, nous expliquons l’essentiel de ces critiques par une perspective statique, et une vision essentialiste et naturalisante des ressources stratégiques de l’entreprise. Nous proposons donc les bases d’une approche plus dynamique et processuelle, distincte de la littérature sur les capacités dynamiques. Il s’agit de comprendre comment des ressources stratégiques qui apparaissent initialement mal appréhendées et maîtrisées par l’entreprise sont progressivement domestiquées par des processus d’apprentissages collectifs. Notre approche suggère ainsi d’étudier les processus d’apprentissage par lesquels les déterminants de l’avantage stratégique sont progressivement identifiés, explorés, gérés et éventuellement diffusés dans un champ concurrentiel. Dans cette perspective, l’incomplétude des approches par les ressources reflète la méconnaissance collective des déterminants de l’avantage concurrentiel. Les « ressources stratégiques » sont alors à considérer comme des projets de connaissance stratégique. D’un point de vue empirique, nous développons le cas d’une décision stratégique d’internationalisation des activités d’ingénierie chez un constructeur automobile. Nous soulignons l’enjeu, pour le corps stratégique, de conduire des processus d’apprentissage rapides sur la dynamique de ses ressources internes et interrogeons les modalités de tels apprentissages.