Dans cet article, nous réalisons une revue de la littérature sur la question de l’apprentissage par l’échec, en limitant notre étude au cas des lancements de produits ratés. Notre réflexion se fonde notamment sur l’opposition entre :
- d’un côté, l’optimisme des travaux sur les « trajectoires d’innovation », qui avancent l’idée selon laquelle un échec commercial serait une étape incontournable d’un processus d’innovation par essais-erreurs.
- de l’autre, le pessimisme de contributions plus récentes, qui soulignent, au contraire, l’absence d’apprentissage des entreprises confrontées à une situation d’échec.
Pour prendre position sur cette question, nous nous appuyons sur un cadre théorique « behavioriste », qui nous permet de structurer notre propos en quatre phases : 1) Perception de l’échec, 2) Interprétation de l’échec, 3) Mémorisation des leçons de l’échec et
4) Modification du comportement suite à l’échec. Pour autant, nous mobilisons évidemment d’autres travaux que ceux relevant de cette tradition de recherche. Nous aboutissons finalement à une conclusion très nuancée sur l’existence d’une dynamique d’apprentissage par l’échec dans les entreprises, en mettant notamment en exergue les nombreux obstacles qui freinent le processus d’apprentissage par l’échec. Si nous montrons ainsi que la performance d’apprentissage ne va pas de soi, nous soulignons également qu’un tel apprentissage – lorsqu’il a lieu, malgré tout – ne débouche pas forcément sur une performance organisationnelle accrue.
Cette revue de littérature prend pour point de départ l’opposition entre les prescriptions émanant de la littérature dominante en Stratégie et les conclusions de travaux empiriques soulignant l’omniprésence des comportements imitatifs dans le monde des affaires. A partir de ce paradoxe, plusieurs explications théoriques sont explorées. La dichotomie entre des approches ancrées sur des modes de rationalités fondés sur la conception classique et des approches ancrées dans une conception de la rationalité « fondée sur ce qui semble approprié » constitue le fil d’Ariane de cette recherche. Les perspectives, en matière de recherche en Stratégie, introduites par cette pluralité théorique font l’objet d’une discussion approfondie. Il apparaît, tout d’abord, nécessaire de développer des recherches optant pour des cadres conceptuels intégrateurs afin de rendre compte du phénomène mimétique dans sa complexité. Un travail empirique sur les rationalités à l’œuvre semble, en outre, indispensable pour compléter des approches, avant tout compréhensives, mettant en exergue l’existence de différentes formes d’imitation concurrentielle. Dans cette perspective, le « practice turn » qui consiste à appréhender la Stratégie au travers des pratiques des acteurs stratégiques pourrait permettre d’apporter un éclairage microscopique stimulant.