L’initiative des pôles de compétitivité lancée par les pouvoirs publics en 2005 met l’accent sur deux figures maintenant classiques du management contemporain : le projet et le partenariat. Il en a résulté pour le fonctionnement d’une grande partie des pôles, la mise en oeuvre de formes d’organisations et de pilotage structurées autour du projet collaboratif. Nous rappelons dans cet article les justifications théoriques de cet objet d’action et montrons son adéquation au concept de pôle de compétitivité. Nous basant sur des observations menées dans plusieurs pôles depuis 2006, nous montrons ensuite que le modèle du projet, imposé par les modes de financement, mais aussi choisi dans les pôles pour constituer le plus rapidement possible un acteur collectif, a configuré les choix d’organisation et de gouvernance des pôles. Nous tentons d’évaluer les effets de cette structuration et de ce type de pilotage par projet, sur la base d’exemples, en en montrant les apports mais aussi les limites. Ces limites tiennent bien sûr au fait que le pilotage par projet est une instrumentation de gestion qui, classiquement, conforme le comportement des acteurs. Mais, surtout, le mode projet interdit peut-être, paradoxalement, aux pôles, d’atteindre certains des objectifs qui leur sont assignés en termes de rassemblement de tous les acteurs du territoire, y compris les PME, dans une dynamique d’innovation radicale. Comment alors dépasser le pilotage par les projets ?
Le soutien affirmé de l’Etat français dans la mise en place des pôles de compétitivité a pour objectif de mettre en place une dynamique fondée sur une base territoriale locale avec les pouvoirs publics souhaitant faire participer les entreprises et les institutions publiques et para-publiques au développement économique. En nous appuyant sur le cas du pôle mondial Solutions Communicantes Sécurisées (SCS), nous nous demanderons en quoi cette combinaison de territoires et de réseaux peut être favorable à l’innovation des PME participantes.
Quels sont les fondements théoriques utiles et pertinents pour se saisir des dynamiques d’acteurs que représentent les pôles de compétitivité, clusters ou réseaux d’entreprises ? Cette question conduit directement à la construction de l’action collective, comprise et analysée ici dans une perspective régulationniste nourrie de la théorie de la régulation sociale de J.-D. Reynaud. Ce qui est en jeu dans ce cadre, c’est l’intérêt théorique et méthodologique d’une lecture de l’action collective fondée sur le projet. Partant du terrain d’un pôle de compétitivité, l’article propose d’instruire la question de l’émergence, de l’autonomie et du contrôle du collectif d’acteurs que représente le pôle. L’analyse met en évidence l’importance des projets collaboratifs de R&D dans le pôle de compétitivité, qui donnent naissance à des micro-collectifs. La dynamique d’émergence et de régulation de ces projets collaboratifs finit par faire du collectif d’acteurs un acteur collectif, doté d’un projet d’ensemble.