Basés sur plusieurs recherches-interventions, les travaux d’Albert David sur les outils de gestion forment aujourd’hui une référence incontournable de la littérature sur le sujet. Prolongeant les recherches menées depuis le début des années 1980 au sein du Centre de Recherche en Gestion de l’Ecole Polytechnique et du Centre de Gestion Scientifique de l’Ecole des Mines de Paris, les analyses de David ont notamment pour but de saisir la dynamique qui préside à la conception et à la mise en œuvre des outils de gestion dans les organisations. Précisément, pour analyser l’interaction outil/organisation, Albert David propose de suivre l’évolution au cours du temps de trois variables : l’orientation relations/ connaissances de l’outil de gestion ; le degré de formalisation de l’outil de gestion dans l’organisation ; enfin, le degré de contextualisation interne de l’outil dans l’organisation.
Présentant un réel intérêt par rapport aux approches classiques en termes d’adoption ou d’appropriation, l’analyse d’Albert David néglige toutefois l’influence que peut exercer sur la vie d’un outil de gestion dans une organisation la vie de l’outil considéré en dehors de l’organisation. Pourtant, comment le soulignent notamment les tenants de la sociologie institutionnelle (DiMaggio & Powell, 1983), cette influence externe peut être déterminante. S’appuyant sur un cas d’interaction outil/organisation « exemplaire » pour notre propos, au sens où ce cas met clairement en lumière l’interdépendance qui peut exister entre la vie interne d’un outil dans une organisation et sa vie externe, l’objet de cette communication est justement de palier cette limite des travaux d’Albert David. Pour cela, il est concrètement proposé d’ajouter au modèle de David une quatrième variable, évoquée brièvement par l’auteur dans ses travaux, mais que ce dernier n’a ni réellement définie ni prise en compte : le degré de contextualisation externe d’un outil de gestion en dehors de l’organisation.
A l’aide de cette quatrième variable qui permet d’enrichir le modèle initial d’Albert David, il est alors défendu l’idée qu’il existe deux modèles-types d’influence qui peuvent s’exercer entre la vie d’un outil de gestion dans une organisation (contextualisation interne) et sa vie en dehors d’une organisation (contextualisation externe) : le modèle de l’innovation institutionnelle, au sein duquel toute la contextualisation interne se réalise avant que ne commence la contextualisation externe ; le modèle de la conformation institutionnelle, au sein duquel toute la contextualisation externe se réalise avant que ne débute la contextualisation interne. Au final, il est sur cette base suggéré que la valeur d’un outil pour une organisation doit être appréhendée en référence à ces deux dimensions interne et externe.
La distance outil – organisation est un concept mis en avant par Albert David (1996). Ce concept n’est quasiment pas étudié dans la littérature des outils de gestion. Pourtant, il paraît tout aussi évident qu’il doit être mobilisé par les chercheurs pour illustrer le processus de contextualisation d’un outil de gestion au sein d’une organisation donnée. Cette communication discute de la pertinence et de l’efficacité de ce concept à travers le processus de contextualisation d’un schéma directeur logistique au sein d’un site industriel de maintenance du matériel ferroviaire. Elle tente d’opérationnaliser empiriquement ce concept en introduisant la notion de carte de transformation.
Claudio Ciborra est un auteur majeur de la théorie des organisations et des systèmes d'information anglo-saxons. Ses travaux sont cependant relativement méconnus dans le champ francophone des sciences de gestion. Nous proposons ici de résumer l'essentiel de ses recherches et de montrer en quoi sa vision des organisations comme un lieu de bricolage et d'improvisation permet d'appréhender l'appropriation des outils de gestion sous un angle différent. Le cadre théorique est illustré par le cas de l'intranet de France Télécom sur la période 1996-2005.