Nous proposons ici un outil méthodologique pour le traitement du journal personnel dans le cadre d’études longitudinales. Cette proposition s’inscrit plus particulièrement dans le contexte des recherches interventions. Cette modalité de recherche permet d’accéder à une densité et une richesse d’information sur un phénomène, mais son exploitation n’est pas aisée et parait relativement limitée. La proposition d’outils de condensation des données facilitant l’analyse revêt un caractère primordial dans nos disciplines.
Nous proposons une méthode de cartographie du journal personnel dans la lignée du travail de Langley (1999) qui permet une meilleure visualisation des événements concomitants dans une étude longitudinale mais aussi une perception globale du phénomène étudié. Cet outil est intéressant à plusieurs titres. Il peut être utilisé comme outil de visualisation central dans une méthodologie utilisant d’autres sources d’information ; son élaboration constitue une phase d’analyse à part entière puisqu’elle nécessite de choisir le référentiel, de trier et d’organiser les événements structurants à la base de la création du journal cartographié. Cette phase d’élaboration fait aussi apparaître les dynamiques à l’œuvre, sources d’une compréhension articulée du phénomène.
Cette contribution propose une illustration de la construction de l’outil par une succession d’étapes. Un exemple précis est donné par la présentation détaillée d’un cas à propos de la construction d’une capacité organisationnelle stratégique. Cette recherche intervention est menée dans une entreprise de biocontrol ; elle étudie la mise en place de la capacité d’homologation internationale.
Le Journal cartographié fait apparaître un déroulement et des dynamiques non perceptibles à la lecture du seul journal personnel.
La théorie enracinée a été initialement développée pour proposer une alternative aux méthodes hypothético-déductives, qui formaient le courant majeur de la sociologie des années 1960, en visant à créer de nouvelles connaissances en se fondant sur les pratiques sociales. Face à l’ambition de vouloir créer de nouvelles connaissances au travers de l’utilisation de la théorie enracinée, de nombreux chercheurs mentionnent les difficultés inhérentes à cette méthode dans le développement de théories innovantes (Fendt & Sachs, 2008; Guillemette, 2006; Shalley, Gilson, & Blum, 2000). Cependant, la créativité reste une notion sous évaluée dans la littérature associée à la théorie enracinée. Les commentaires à propos de la créativité sont soit diffus(Charmaz, 2000 ; Glaser & Strauss, 1967 ; Strauss & Corbin, 1990) , soit limités (Dey, 1999 ; Douglas, 2003 ; Fendt & Sachs, 2008 ; Goulding, 2001 ; Locke, 2001 ; Wells, 1995). Ce papier cherche à clarifier dans quelles mesures la créativité joue un rôle dans le développement d’une théorie enracinée, ainsi que comment atteindre un certain niveau de créativité. Nous discutons d’abord les implications des choix épistémologiques dans les différentes versions de la théorie enracinée sur les potentialités de créativité dans le processus de recherche. Nous montrons que la place de la créativité diffère selon les approches utilisées : orthodoxe (Glaser and Strauss, 1967), pragmatique (Corbin & Strauss, 1990, 2008 ; Strauss & Corbin, 1990, 1998)ou constructiviste (Charmaz, 2000, 2006). Nous proposons trois stratégies de recherche permettant d’aider le chercheur dans sa quête de créativité. Nous nous appuyons sur près de dix années de pratique et d’enseignement de la théorie enracinée pour montrer comment les pratiques mentionnées peuvent aboutir à une meilleure créativité du chercheur. Nous ne proposons pas une liste exhaustive des techniques et stratégies mais mettons l’accent sur trois d’entre elles : le travail en groupe, les connaissances en art et la créativité in vivo.
Cette communication présente un cadre méthodologique destiné à offrir des repères pour l’élaboration de savoirs académiques en s’inspirant de connaissances développées par des praticiens du management stratégique. Elle vise ainsi à apporter une contribution aux réflexions d’ordre méthodologique inscrites à l’agenda de recherche de la perspective « Stratégie Comme Pratique » (SCP). Elle explicite la manière dont ce cadre méthodologique peut effectivement être mobilisé en l’illustrant à partir d’un projet de recherche en cours relatif à la « fabrique de la stratégie » dans l’intermédiation boursière sur Euronext. Elle précise également un paradigme épistémologique dans lequel le travail mené selon ce cadre est légitimable, à la savoir le paradigme épistémologique constructiviste radical.
Les repères, que ce cadre propose, suggèrent de mettre en œuvre des interactions approfondies et itératives entre des acteurs du monde académique et des acteurs du monde de la pratique. De telles interactions favorisent l’élaboration de savoirs renouvelés et l’enrichissement mutuel des recherches et des pratiques concernées. La communication non seulement académique mais aussi à destination de praticiens, des savoirs ainsi élaborés contribue à renforcer les légitimitations académique et pratique de ces savoirs et ainsi à assurer le bouclage épistémique et pragmatique que la société est en droit d’attendre de recherches menées dans le domaine du management stratégique.
La démarche d’inférence occupe une place centrale dans la recherche en management. Très souvent, le chercheur est amené à tirer des conclusions ou à procéder à des généralisations à partir de ses observations ou de ses résultats. Dans certains cas, la statistique peut lui permettre de le faire de manière rigoureuse. En effet, cette discipline accorde une grande place à la démarche d’inférence par laquelle le statisticien généralise une information collectée sur un échantillon à l’ensemble de la population dont est issu cet échantillon : c’est la statistique inférentielle dont le but est de tester des hypothèses formulées sur les caractéristiques d’une population grâce à des informations recueillies sur un échantillon issu de cette population. Les tests statistiques sont de ce fait au coeur de la statistique inférentielle.
Dès leur introduction, les tests de signification statistique ont fait l’objet de multiples controverses et critiques portant à la fois sur leur nature et sur leur rôle. Et si certains auteurs (Abelson, 1997 ; Hagen, 1997 ; Mulaik, Raju et Harshman, 1997 ; Wainer, 1999) ont dernièrement fourni une forte défense de ces tests, de nombreux autres (Cohen, 1994 ; Schmidt, 1996, Hunter, 1997 ; Krueger, 2001 ; Lecoutre, Poitevineau et Lecoutre, 2003 ; Armstrong, 2007a, 2007b ; Levine et al., 2008) appellent à leur abolition pure et simple. Alors, faut-il oui ou non brûler les tests de signification statistique ? Afin de répondre à cette question, nous allons procéder en trois temps. Tout d’abord, nous allons rappeler la logique générale de ces tests statistiques, définir les notions fondamentales qui leur sont associées et préciser les étapes usuelles de l’usage desdits tests. Ce premier effort de clarification du contexte nous permettra ensuite d’aborder frontalement la question du sort à réserver aux tests statistiques en analysant les principales critiques qui leur sont adressées, les erreurs fréquemment commises dans leur usage ainsi que les raisons de leur popularité persistante en dépit des critiques. L’article propose finalement une discussion détaillée de plusieurs voies d’amélioration.
Cet article a voulu fortement attirer l’attention des chercheurs en management stratégique sur les dangers liés à l’usage irréfléchi des tests de signification statistique. Le principal danger pour le chercheur consisterait à s’abriter derrière l’image scientifique des tests statistiques, à céder à leur aura et au confort apparent lié à leur utilisation pour abdiquer sa responsabilité. Or, c’est le chercheur qui doit choisir s’il teste ou pas, ce qu’il teste et par quel moyen. Mais, plus encore, le chercheur doit garder à l’esprit que les tests de signification statistique ne sont qu’un instrument à l’intérieur d’un dispositif et d’une démarche de recherche : cette recherche commence avant l’éventuel test, se poursuit pendant le test et continue après le test. Quant au test lui-même, il n’est qu’un outil et, en tant que tel, il ne vaut que si on sait s’en servir et à bon escient. De ce point de vue, les questions récurrentes sur l’utilité des tests de signification statistique sont un bon stimulant et un garde-fou précieux pour l’exercice d’une saine activité de recherche.
La notion de logique d’action est proposée par certains auteurs pour accéder aux comportements des acteurs dans une perspective de dépassement du dualisme acteur / système. Pour fonder ce même dépassement, la notion de projet est retenue par d’autres pour participer d’un effort de théorisation de l’action collective. Dans un premier temps, ces deux regards théoriques sont synthétiquement présentés. Dans un second temps, ils sont rapprochés et discutés autour de deux questions : les logiques naissent-elles de projets ? les projets deviennent-ils des logiques ? Il ressort de la réflexion que la méthodologie des logiques d’action ne peut se passer du concept de projet pour clarifier sa posture théorique.
La codification des connaissances tacites fait l’objet de nombreux débats en matière de management des connaissances et plus particulièrement la possibilité de transformer cette connaissance en un savoir explicite. De nombreux travaux aussi bien chez les économistes comme Foray (2000) que chez les gestionnaires comme Nonaka et Takeuchi (1995) attestent que l’enjeu est considérable. Dans le même temps la question du statut théorique des connaissances implicites est posée devant les nombreuses ambigüités d’usage de cette notion dans la littérature depuis les travaux fondateurs de Polanyi (Gourlay, 2006). Pour avancer dans ce processus de clarification des connaissances implicites, nous proposons d’explorer à partir des travaux de Piaget (1974) une voie psycho-phénoménologique (Vermersch, 1996) tant sur le plan théorique que sur le plan méthodologique dans le cadre d’un programme de recherche qui s’est donné pour objet de rendre compte des pratiques singulières des acteurs en situation effective. Ainsi, il est possible de définir une connaissance tacite comme une connaissance pratique que nous considérons comme une connaissance en acte, une connaissance pré-réfléchie qui n’est pas conscientisée mais qui est conscientisable et qui peut faire l’objet via un dispositif ad hoc d’une codification écrite. In fine nous précisons les apports d’une telle perspective pour le champ de recherche en stratégie.