L'étude de la dimension juridique du management a jusqu'à présent reçu une attention limitée de la part des chercheurs. Le présent article vise à combler cette lacune. En nous fondant sur une approche de type knowledge-based view, nous posons que l'accès au savoir juridique est un élément essentiel de la performance juridique de l'entreprise. Nous développons alors un ensemble d'hypothèses pour expliquer le succès judiciaire des firmes qui sont parties à un contentieux prud'homal. Ces hypothèses sont testées à la fois grâce à des données objectives et des données collectées par le biais d'un questionnaire. Conformément à nos hypothèses, nos résultats indiquent qu'une collaboration plus étroite entre l'entreprise et son avocat au moment du procès diminuent les dommages-intérêts auxquels est condamnée l'entreprise. Cette collaboration est d'autant plus importante que l'affaire jugée est spécifique. En amont du procès, nous mettons en évidence le fait qu'un recours régulier aux avocats prépare mieux au moment du procès en ce qu'il améliore significativement la collaboration entre firme et avocat, et donc influence indirectement le succès judiciaire de l'entreprise. En revanche, et contrairement à nos hypothèses, nous trouvons que la présence d'un service juridique dans l'entreprise n'a d'influence ni positive ni négative sur le succès judiciaire de la firme.
De nouveaux motifs pour breveter émergent, renvoyant à une dimension stratégique du brevet. On brevète aussi pour empêcher ses concurrents de développer leurs programmes de recherche ou leurs avancées technologiques – et pas seulement pour protéger son invention. Ce brevet « bloquant » est au coeur de cet article. Nous cherchons à cerner l’utilisation du brevet bloquant de la part des entreprises françaises en mettant en exergue leurs spécificités. Cette recherche exploratoire, de nature qualitative, s’appuie sur la perception de conseils en propriété intellectuelle grâce à 15 entretiens menés auprès de cabinets. Nos résultats indiquent que les entreprises françaises, compte-tenu de leurs caractéristiques et de celles du système français de protection industrielle, affichent un certain retard en matière d’utilisation du brevet stratégique.
En mobilisant les théories des ressources et des compétences, ce travail explore une nouvelle manière de penser l’imbrication du management stratégique et du droit des affaires en ce qui a trait à la propriété intellectuelle (IP) (les brevets et le droit des marques en particulier). Nous convoquons la notion d’astuces juridiques telle que développée par C. Bagley (2008) comme un moyen d'explorer le lien entre les décisions de gestion de l'entreprise et son environnement juridique en matière de propriété intellectuelle. Ce travail envisage de droit de la propriété intellectuelle comme un élément de la stratégie de projet qui peut être optimisé par des finesses juridiques et montre comment la propriété intellectuelle peut être à la fois une ressource stratégique et un outil de capture de la valeur. Ce travail évoque in fine de nombreux cas où l’ingénierie juridique n’appréhende plus le droit comme un cadre structurant des comportements d’entreprise, mais comme une source d’opportunités stratégique favorisant la capture de rentes dissociées des pratiques d’innovation elles-mêmes.