Les entreprises innovantes sont spontanément associées à des entreprises de croissance. Les pouvoirs publics, et la société d’une manière générale transfèrent sur elles la charge de participer à la réorientation de notre spécialisation industrielle dans le cadre de la mondialisation de l’organisation productive. Dans ce contexte, nous avons mené une étude en partenariat avec OSEO Sud-Est sur l’ensemble des entreprises innovantes créées sur 10 ans entre 1997 et 2006 et accompagnées par cette institution (soit 537 entreprises). Cette étude montre que les performances de ces entreprises en terme de croissance sont modérées et parfois limitées, y compris en longue période. Il apparait pour une majorité d’entre elles un effet de plateau, qui laisse de nombreuses ambigüités quant à son interprétation. Les pouvoirs publics tendent actuellement à multiplier les initiatives pour soutenir la croissance de ces entreprises, notamment à l’international. Mais ces programmes agissent principalement sur les facteurs exogènes de croissance. Nous avons voulu interroger l’autre face des déterminants de la croissance, les facteurs endogènes, et pour cela nous avons mobilisé les travaux d’Edith Penrose, et quelques prolongements qu’elle a inspirés depuis. Une enquête transversale menée directement auprès de 175 dirigeants de cette population conduit à considérer que le plateau peut davantage être assimilé à un plafond qu’à un palier de croissance. Bien que cette étude soit exploratoire, elle a pour intention d’engager le débat sur une évolution des démarches devant favoriser la croissance des entreprises innovantes.
Cet article vise à mieux comprendre les phénomènes organisationnels et culturels qui vont permettre à certaines entreprises d’innover durablement, encore et encore, au fil des années. Nous parlons d’entrepreneuriat organisationnel (entrepreneuriat O) pérenne pour décrire cette capacité de certaines organisations à innover ainsi dans la durée. En même temps que l’entreprise délivre des innovations, l’entrepreneuriat O émerge, se renforce, apprend, évolue. Il s’institutionnalise en produisant des innovations réussies. La première partie de l’article présente un premier cadre théorique de l’entrepreneuriat O envisagé tout à la fois comme processus d’institutionnalisation et comme contexte institutionnel d’expression et de légitimation de l’action innovante. La deuxième partie s’appuie sur des études de cas pour montrer de quelle manière les acteurs de l’entreprise, et parmi eux les dirigeants, œuvrent à l’élaboration d’un tel contexte susceptible de pérenniser les comportements d’innovation et d’entrepreneuriat au sein de l’entreprise. La troisième partie propose une modélisation théorique des dynamiques d’institutionnalisation associées au phénomène d’entrepreneuriat O ainsi qu’une version simplifiée mobilisable par les praticiens.
Nos analyses suggèrent que le travail d’institutionnalisation de l’entrepreneuriat O opère en parallèle sur deux niveaux, d’une part l’histoire entrepreneuriale qui se fait et qui se raconte, d’autre part ce qui est retenu de cette histoire entrepreneuriale. Chaque niveau mobilise deux processus génériques : d’une part, les « actions symboliques menées par les leaders organisationnels » viennent façonner une légitimité des pratiques innovantes, d’autre part les « négociations et interactions répétées » que nouent les acteurs dans le quotidien de l’innovation diffusent ces pratiques et ancrent les perceptions des acteurs. Ces deux processus alimentent le second niveau, contribuant d’une part à l’élaboration d’une « vraisemblance sociale » (et donc à l’acceptabilité de l’entrepreneuriat O au sein de l’entreprise à travers « l’élaboration de preuves » résultant des innovations réussies) et d’autre part à l’émergence de formes de « catégorisation des perceptions et des expériences » qui constituent une sorte d’organisation cognitive des leçons apprises de l’expérience entrepreneuriale interne. Ce sont ces quatre processus à la fois imbriqués et superposés qui génèrent les éléments résultant ou « institués » de l’entrepreneuriat O : la structure des rôles et des pouvoirs, les processus et protocoles organisationnels, les valeurs culturelles.
Au cœur de ce travail d’institutionnalisation, les dirigeants jouent un rôle clé en opérant tant au niveau symbolique qu’en projetant une vision stratégique et en influençant la structure et les processus organisationnels relatifs à l’innovation. Leur capacité à mobiliser les mythes fondateurs et les « faits d’armes » passés, leur capacité à porter et à transmettre une vision stratégique nourrie de projets entrepreneuriaux, leur capacité à orchestrer et animer un corps social jouent ainsi un rôle prépondérant dans ce que nous avons appelé l’institutionnalisation de l’innovation, c'est-à-dire, au fond, dans l’émergence et le renouvellement permanent d’une organisation et d’une culture pour l’innovation. Ceci permet aux acteurs concernés par l’innovation dans l’entreprise de se projeter dans l’action innovante sans avoir à réinventer du sens et à s’épuiser à chercher des soutiens de principe pour leurs prises d’initiative.
Cette communication examine les leviers qui favorisent l’hyper croissance dans les moyennes entreprises. Les auteurs dressent un état des lieux des concepts mobilisés que sont la notion de logique dominante d’un processus et de pratique stratégique paradoxale, et proposent d’analyser la dynamique qui s’en dégage lorsqu’ils sont mis en relation. L’article se base sur une étude qualitative longitudinale de trois années, menée auprès d’un dirigeant d’une moyenne entreprise de technologie.
Les résultats de la recherche mettent en exergue deux propositions. La création d’une dynamique d’hyper croissance nécessite de combiner l’instauration d’une trajectoire par une logique dominante et un rythme par une pratique stratégique paradoxale. De plus, soutenir durablement l’hyper croissance nécessite d’auto entretenir une capacité permanente d’ouverture et de fermeture de l’action collective vers de nouveaux horizons.
L’article conclut sur des propositions conceptuelles identifiant les leviers indispensables à l’hyper croissance d’une moyenne entreprise.