AIMS

Index des auteurs > Loilier Thomas

Joffre Clémence, Loilier Thomas

L’adaptation stratégique de l’organisation a fait l’objet de nombreuses recherches en management stratégique et théorie des organisations, principalement au niveau inter-organisationnel avec les recherches menées par l’écologie des populations, la théorie de la dépendance des ressources ou encore l’approche co-évolutionniste. Cette recherche étudie les processus internes d’adaptation d’une organisation. Dans la lignée des travaux de March et Burgelman, ceux-ci sont appréhendés comme des processus complexes faisant appel à des logiques d’exploration et d’exploitation et à deux sous processus distincts, l’induit et l’autonome. L’adaptation est alors un processus social qui concerne tous les niveaux de l’organisation. Cette recherche à caractère exploratoire a pour objectif de mieux comprendre les mécanismes d’adaptation en mobilisant la théorie de l’acteur-réseau afin de tenir compte du caractère social de ces processus. Ces derniers sont alors analysés comme des traductions au sens de Callon (1986) et Latour (2006). Le concept central de réseau dans la traduction, conduit à analyser de manière symétrique l’influence et le rôle des acteurs (actants humains), et des règles (actants non humains) dans les processus de traduction. La recherche est fondée sur une étude de cas unique, l’évolution d’une association du secteur social et médico-social, l’ACSEA, créée au début des années 1950 et présentant les caractéristiques d’une organisation complexe. La méthodologie utilisée est qualitative et la collecte des données se fonde sur une interaction longue (deux années) avec le terrain (entretiens, observations directes, documents internes). Précisément, l’analyse du cas se focalise sur la mise en place du projet associatif de l’association (1997-2000) et l’évolution du règlement général de fonctionnement (depuis 1992). Les résultats dégagés sont triples : tout d’abord cette recherche démontre le bien fondé de l’approche en termes de traduction des processus internes d’adaptation, que l’on s’intéresse aux processus de remontée ou de déploiement stratégiques. Elle met aussi en évidence que ces traductions sont différentes dans chacun de ces deux processus. Deuxièmement, elle précise le rôle privilégié d’un certain type d’actants non humain dans l’adaptation : les règles formelles. Celles-ci entretiennent des relations complexes avec les traductions à l’œuvre dans l’adaptation : elles sont, suivant les cas, les résultantes de ces traductions (par un mécanisme d’abstraction) ou leurs fondements (par un mécanisme de contextualisation). Enfin, troisièmement, l’adaptation stratégique d’une organisation est donc un processus social interne complexe mêlant traductions et régulations (c’est-à-dire dynamique des règles) : fondamentalement, l’adaptation d’une organisation est donc une dynamique de ses traductions, de ses règles et des relations régissant ces deux actants. L’article se termine par une discussion s’appuyant sur la génération de trois propositions théoriques qui s’appuie à la fois sur les enseignements de ce cas et sur une revue de la littérature.