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Law-kheng Florence

La réinternalisation a jusqu’à présent fait l’objet de peu de recherches académiques. Or, elle permet d’apporter un éclairage particulier à la problématique classique de make-or-buy, dans laquelle elle s’inscrit. En effet, son analyse nécessite une mise en perspective processuelle qu’implique l’enchaînement de deux décisions successives : l’externalisation initiale, puis la réinternalisation. L’objectif de cet article est de comprendre le processus de réinternalisation en s’appuyant sur l’approche par les ressources et les compétences, le concept de dépendance de sentier et les théories de changement stratégique. Pour y parvenir, nous proposons un modèle du processus de réinternalisation. Ce modèle met en avant la nécessité d’un changement contextuel capable d’initialiser le processus de réinternalisation, qui se décompose en deux sous-processus parallèles et interdépendants : d’une part un processus d’accélération du questionnement de l’externalisation et de l’engagement de la firme à l’égard de la solution de réinternalisation et d’autre part un processus de facilitation reposant sur le développement du pouvoir de négociation interne et externe des décideurs et des capacités de la firme à pouvoir comprendre, organiser et réaliser la réinternalisation. Afin de le tester et de l’enrichir, ce modèle est confronté à l’étude longitutinale d’un cas d’externalisation et de réinternalisation complètes de l’activité informatique d’une société de gestion de logements sociaux sur une période de 10 ans. Le recueil de diverses sources de données a été privilégié afin d’augmenter la validité interne de l’étude. Il a consisté en la réalisation d’entretiens semi-directifs auprès de participants directs et indirects au processus de réinternalisation et la consultation de près de 2 500 pages de documents. L’analyse des données permet d’identifier les événements, actions ou activités survenus pendant les périodes d’externalisation et de réinternalisation et de catégoriser leur impact sur le processus étudié. Cette confrontation avec une étude de cas permet une validation partielle du modèle. En effet, l’étude de cas montre le rôle des changements de contexte interne et des réallocations de ressources sur l’initialisation du processus de réinternalisation. Ces changements agissent en effet comme une sorte de rupture de la dépendance de sentier provoquant la modification et l’instauration de nouvelles routines organisationnelles qui vont contraindre ou permettre à l’entreprise de percevoir la réinternalisation comme une véritable alternative à l’externalisation. Bien que l’étude de cas ne permette pas de tester l’effet d’apprentissage lié à la succession d’expériences de réinternalisation, elle confirme l’aspect processuel de la réinternalisation, qui repose en particulier sur la réappropriation par la firme des connaissances et de l’organisation de son activité externalisée. L’étude de cas permet également de mesurer la pertinence d’une approche multi-théorique, mieux à même de fournir une explication globale du processus de changement. Au final, ces résultats incitent à considérer différemment la réinternalisation : elle ne constitue pas un recommencement au sens d’une réitération d’un choix organisationnel, voire le retour à la situation d’internalisation antérieure. Au contraire, la notion de recommencement doit être entendue comme un nouveau départ ou la reprise d’une activité externalisée sur de nouvelles bases du fait de la double expérience d’internalisation et d’externalisation. Enfin, dans leur quête d’agilité, les entreprises se doivent d’envisager la réversibilité de leurs décisions d’externalisation ou d’internalisation. C’est en ce sens que la réinternalisation peut apparaître comme un éternel recommencement.