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Barbaroux Pierre, Godé-sanchez Cécile

Un nombre croissant d’organisations évolue au sein d’environnements complexes, marqués par une forte incertitude. Dans de telles conditions, le stratège peut éprouver certaines difficultés à anticiper les évolutions qui pourront affecter l’organisation et à agir afin d’en absorber les effets. Le stratège évoque une catégorie d’acteurs qui contribue à la définition de la stratégie en influençant la construction des pratiques stratégiques. Face à la complexité de leur contexte d’action, les stratèges peuvent percevoir les Technologies de l’Information et de la Communication (TIC) comme des outils d’aide à l’anticipation. L’objectif de cet article est de comprendre comment les usages de technologies particulières, les technologies de collaboration, affectent les capacités d’anticipation et d’adaptation des stratèges. Pour ce faire, nous nous appuyons sur des données recueillies pendant une année dans le cadre d’une étude commandée par le Ministère français de la Défense et analysons l’impact des TIC sur la conduite des opérations militaires centrées réseaux. Plus spécifiquement, nous portons notre attention sur la façon dont les militaires de l’OTAN déployés sur le sol Afghan utilisent les technologies de collaboration du type text chat. L’analyse du cas fait émerger deux résultats principaux. D’une part, les utilisateurs de la technologie articulent certaines propriétés offertes par la technologie au regard de leurs besoins sur le terrain. La relation technologie/usages repose alors sur la combinaison de trois propriétés spécifiques : des fonctions technologiques, des processus cognitifs et des types de connaissance. D’autre part, certains types d’usages combinés peuvent générer des effets non anticipés sur les capacités d’anticipation et d’adaptation des utilisateurs de la technologie. Nos résultats montrent notamment que l’interaction technologie/usages est susceptible de renforcer certaines formes de complexité déjà présentes dans l’environnement, voire d’en créer de nouvelles (comme la surcharge informationnelle ou encore les biais perceptifs et interprétatifs). Dans la discussion, nous insistons sur le fait la relation technologie/usages n’est ni univoque, ni déterministe et que l’organisation peut obtenir un avantage stratégique en développant des compétences à partir des combinaisons d’usages mises en œuvre par les acteurs sur le terrain. L’enjeu pour le stratège est alors de trouver un équilibre entre contrôle des usages, maîtrise des effets non anticipés et incitations à l’expérimentation et à l’énaction de la technologie.