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Asselineau Alexandre

Cette contribution prend appui sur la littérature relative aux innovations stratégiques, qui s’est récemment enrichie depuis les travaux initiaux de Hamel & Pralahad [1995], Christensen [1997], Hamel [2000, 2008], Kim & Mauborgne [1999, 2005]. Axée sur le rejet des approches classiques de la stratégie d’entreprise, qui conduirait à une « orthodoxie sectorielle » non souhaitable, la littérature propose une perspective basée sur le mouvement, l’innovation et la rupture stratégiques. Les auteurs basent généralement leurs réflexions sur l’étude ex post de succès entrepreneuriaux des dernières décennies construits sur de telles approches. Si la pertinence de leurs apports est réelle en ce qu’elle accompagne un renouvellement de la pensée stratégique, beaucoup reste néanmoins à faire pour comprendre comment se dessine la réussite d’une innovation stratégique. Pour cette raison, nous avons choisi il y a plus de deux ans de suivre pas à pas l’évolution d’un projet innovant mené sur le marché du vin de Bourgogne, présentant selon nous deux atouts majeurs dans une perspective de recherche. Le premier atout concerne le projet en lui-même, pensé et mis en œuvre dès son origine comme une rupture par ses dirigeants : l’opportunité de mener une observation longitudinale, par des entretiens réguliers, de ce « cas d’école » sur toute la durée de vie du projet se révèle riche en enseignements, limitant notamment les risques méthodologiques de réinterprétation ex post. Le second atout concerne le marché concerné (le vin de Bourgogne), généralement considéré comme l’un des plus traditionnels qui soit sur les plans culturel, historique et socioéconomique, mais aujourd’hui confronté à d’importantes mutations, constituant ainsi un objet d’étude adapté. L’échec rencontré par le projet, aujourd’hui définitivement arrêté, conduit à renouveler le questionnement sur les conditions de mise en œuvre de l’innovation stratégique. L’analyse montre que, dans le cas d’un nouvel entrant sur un marché traditionnel, une approche en termes d’innovation stratégique ne peut faire l’économie d’une réflexion complémentaire sur la notion de légitimité institutionnelle (au sens de Suchman [1995]). Cet aspect, peu abordé par la littérature, pourrait déboucher sur la proposition de méthodes et outils complémentaires de diagnostic et d’analyse actionnables même si, à ce stade de la recherche, il convient d’insister sur les limites relatives à la généralisation de constats portés sur un cas unique.