AIMS

Mbengue Ababacar
Faut-il brûler les tests de signification statistique?

La démarche d’inférence occupe une place centrale dans la recherche en management. Très souvent, le chercheur est amené à tirer des conclusions ou à procéder à des généralisations à partir de ses observations ou de ses résultats. Dans certains cas, la statistique peut lui permettre de le faire de manière rigoureuse. En effet, cette discipline accorde une grande place à la démarche d’inférence par laquelle le statisticien généralise une information collectée sur un échantillon à l’ensemble de la population dont est issu cet échantillon : c’est la statistique inférentielle dont le but est de tester des hypothèses formulées sur les caractéristiques d’une population grâce à des informations recueillies sur un échantillon issu de cette population. Les tests statistiques sont de ce fait au coeur de la statistique inférentielle.
Dès leur introduction, les tests de signification statistique ont fait l’objet de multiples controverses et critiques portant à la fois sur leur nature et sur leur rôle. Et si certains auteurs (Abelson, 1997 ; Hagen, 1997 ; Mulaik, Raju et Harshman, 1997 ; Wainer, 1999) ont dernièrement fourni une forte défense de ces tests, de nombreux autres (Cohen, 1994 ; Schmidt, 1996, Hunter, 1997 ; Krueger, 2001 ; Lecoutre, Poitevineau et Lecoutre, 2003 ; Armstrong, 2007a, 2007b ; Levine et al., 2008) appellent à leur abolition pure et simple. Alors, faut-il oui ou non brûler les tests de signification statistique ? Afin de répondre à cette question, nous allons procéder en trois temps. Tout d’abord, nous allons rappeler la logique générale de ces tests statistiques, définir les notions fondamentales qui leur sont associées et préciser les étapes usuelles de l’usage desdits tests. Ce premier effort de clarification du contexte nous permettra ensuite d’aborder frontalement la question du sort à réserver aux tests statistiques en analysant les principales critiques qui leur sont adressées, les erreurs fréquemment commises dans leur usage ainsi que les raisons de leur popularité persistante en dépit des critiques. L’article propose finalement une discussion détaillée de plusieurs voies d’amélioration.
Cet article a voulu fortement attirer l’attention des chercheurs en management stratégique sur les dangers liés à l’usage irréfléchi des tests de signification statistique. Le principal danger pour le chercheur consisterait à s’abriter derrière l’image scientifique des tests statistiques, à céder à leur aura et au confort apparent lié à leur utilisation pour abdiquer sa responsabilité. Or, c’est le chercheur qui doit choisir s’il teste ou pas, ce qu’il teste et par quel moyen. Mais, plus encore, le chercheur doit garder à l’esprit que les tests de signification statistique ne sont qu’un instrument à l’intérieur d’un dispositif et d’une démarche de recherche : cette recherche commence avant l’éventuel test, se poursuit pendant le test et continue après le test. Quant au test lui-même, il n’est qu’un outil et, en tant que tel, il ne vaut que si on sait s’en servir et à bon escient. De ce point de vue, les questions récurrentes sur l’utilité des tests de signification statistique sont un bon stimulant et un garde-fou précieux pour l’exercice d’une saine activité de recherche.