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Bastianutti Julie, Dumez Herve

Une stratégie de responsabilité sociale de l’entreprise (RSE) implique que la firme aille volontairement au-delà de ses obligations économiques et légales. Au niveau de la firme, on semble observer une sorte d’impulsion morale, ancrée dans des valeurs, une histoire et d’autres éléments identitaires qui rend les sociétés responsables non seulement envers leurs parties prenantes mais aussi du bien-être social de leur environnement proche et lointain. Deux types de critique en opposition avec une vision morale du capitalisme existent : elles dénoncent l’hypocrisie organisationnelle, au niveau de la firme et, au niveau global, l’imitation et la dissémination de discours révélant la plasticité du capitalisme. Les entreprises adoptent des stratégies de RSE afin de s’adapter aux changements profonds de l’environnement et pour maintenir leur avantage concurrentiel. Un autre type d’analyse critique semble possible, rompant avec le point de vue émotionnel et avec les explications simples en cherchant à mettre au jour la complexité des stratégies de RSE. Afin d’atteindre ces deux objectifs, il semble qu’il soit judicieux de conduire une analyse au niveau sectoriel plutôt qu’individuel. En effet, les interactions stratégiques entre les firmes peuvent être perçues seulement à ce niveau. Pour répondre à aux questions sur le ‘comment’ et ‘pourquoi’ les entreprises cherchent à aller volontairement au-delà de leurs obligations, le choix méthodologique de l'étude de cas semble justifié, surtout lorsqu'on tente d'analyser ces interactions en dynamique. Nous avons sélectionné le cas du secteur du ciment car c’est un oligopole restreint, relativement stable malgré quelques entrées nouvelles, et qui offre suffisamment de matériau pertinent à l’étude de stratégies RSE. En effet, le produit est peu différencié, la concurrence se fait sur les prix mais aussi sur la légitimité de l’activité au niveau local – mettant ainsi les firmes en concurrence sur leur réputation et leur capacité à gérer les attentes des parties prenantes quant aux conditions d’exploitation de leur activité. Notre analyse met en lumière la complexité des stratégies individuelles et collectives de chaque firme, dans leur dimension interactive. Nous avons mis en évidence que les stratégies RSE sont des combinaisons dynamiques (ars combinatoria) de stratégies. Ces dernières ont pour objectif de gagner un avantage concurrentiel, ou encore des effets de réputation et/ou de légitimité, tant au niveau individuel que collectif. A ce dernier niveau, les stratégies se déploient aux niveaux infra-sectoriel, sectoriel, inter- et cross-sectoriels. Le sens de ces stratégies dépend du niveau auquel elles sont poursuivies. Enfin, nous avons tenté de produire une vue synoptique des choix stratégiques auxquels les firmes faisaient face en matière de RSE. Il montre que les stratégies de réputation peuvent être individuelles, ou alors regrouper un petit nombre de firmes du même secteur , ou bien de secteurs hétérogènes. Les stratégies de légitimation se développent plutôt au niveau du secteur dans son ensemble ou bien de secteurs liés, appartenant à une même chaîne de valeur. Les effets des stratégies peuvent également se combiner.