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Dubocage Emmanuelle, Galindo Géraldine

L’histoire des start-up débute dans une logique de partenariat entre un capital-risqueur et un fondateur en charge de transformer son idée en une success story. Les compétences et la personnalité du fondateur sont alors le critère essentiel du choix d’investissement du capital-risqueur. Cependant, cette relation peut être marquée par des conflits sur les objectifs stratégiques et de croissance de l’entreprise entre ces deux acteurs, qui peuvent conduire au remplacement du dirigeant par le capital-risqueur. En France, si la question du départ des dirigeants de grands groupes cotés sur le marché financier a fait l’objet de larges investigations (Mard et Marsat, 2008 ; Allemand, 2009), ce n’est pas le cas pour les start-up françaises financées par les capital-risqueurs. Pour une grande partie de la littérature, le remplacement du dirigeant-fondateur trouve sa justification via le prisme de la théorie de l’agence (TA) (Jensen et Meckling, 1976). Cependant, la TA ne rend pas compte de toutes les situations de changement du dirigeant. La théorie des ressources apporte un autre éclairage théorique en se focalisant non pas sur le conflit mais sur la spécificité des ressources apportées par le fondateur : les connaissances scientifiques détenues par les dirigeants de start-up sont complexes, ont un caractère tacite et sont donc difficilement substituables (Zander et Kogut, 1995). Néanmoins, ces fondateurs ne possèdent pas toujours les compétences nécessaires pour gérer et développer une jeune entreprise à croissance rapide (Gilmore, 1988 ; Gerasymenko, 2008 ; Jayaraman et ali., 2000). Le remplacement du dirigeant se justifie alors par un manque de compétences managériales du fondateur de la start-up. Dans les deux corpus théoriques, le remplacement se fait à l’initiative du capital-risqueur et est justifié par une recherche de meilleure performance financière. L’objectif de cette recherche est de s’interroger sur la pertinence de ces lectures, en analysant dans quelles mesures elles rendent compte de l’ensemble des pratiques de remplacement des dirigeants par les capital-risqueurs dans le contexte français. Nous avons mené 16 entretiens semi-directifs avec l’ensemble des parties prenantes : capital-risqueurs, dirigeants et intermédiaires. Ces données primaires ont été complétées par l’exploitation de nombreuses données secondaires. Nous avons en effet conduit des investigations sur des cas particuliers de start-up, médiatisées par le remplacement conflictuel ou non de leurs dirigeants par des capital-risqueurs. Nous avons enfin complété ces données par le recueil d’informations sur des blogs d’entrepreneurs ou d’acteurs du secteur. L’analyse du terrain fait émerger une typologie des scénarios de remplacement du dirigeant qui dépasse le cas du départ du fondateur imposé par le capital-risqueur. Nous montrons que le dirigeant a le pouvoir de s’enraciner ou de partir de sa propre initiative pour se lancer dans la création de nouvelles start-up. D’un point de vue managérial, notre recherche montre que le capital-risqueur a intérêt à éviter le scénario conflictuel du remplacement du dirigeant dans la mesure où le conflit est une expérience traumatisante qui peut nuire à la performance de l’entreprise.