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Blanc Antoine

Les institutions déterminent, structurent et stabilisent certains ordres sociaux. Pour autant, elles ne sont pas seulement contraignantes mais constituent aussi une source de possibles permettant aux individus d’agir dans leur environnement. La notion d’institution est ainsi intimement attachée à celle de pouvoir. Les acteurs sont à la fois contraints par l’institution et en même temps tirent d’elles une capacité à les transformer. Le pouvoir dans la relation institution/acteur est ainsi bilatéral, et sa compréhension apparait essentielle pour l’agenda néo-institutionnel. Toutefois il faut constater que les travaux qui explorent le lien entre institutions et pouvoir restent lacunaires à plusieurs égards. En particulier, l’institution, tout comme le pouvoir sont souvent abordés de manière réductionniste. Dans cet article, nous voulons rendre compte de la complexité de l’institution, en explorant les différentes formes de pouvoir dont elle relève. Nous proposons un modèle qui s’appuie sur les piliers régulateurs, normatifs et cognitifs de l’institution. Nous montrons que le fonctionnement de l’institution relève de trois formes de pouvoir. La première (pouvoir épisodique) repose sur la contrainte que peuvent exercer certains acteurs. La seconde (pouvoir dispositionnel) fait référence à des éléments institutionnalisés qui imposent des manières de penser et de se comporter. Enfin, la troisième (pouvoir facilitatif) fait référence à des éléments matériels et réglementaires qui retirent ou distribuent de l’agence aux individus et organisations. Dans notre modèle, l’agence provient donc en partie de l’institution qui génère des champs limités de possibles collectivement acceptés. Ces trois formes de pouvoir relient le pilier réglementaire de l’institution, constitué d’éléments matériels et tangibles avec les piliers cognitifs et normatifs, constitués d’éléments socio-construits. Les acteurs sont contraints par ce champ de pouvoirs, mais peuvent aussi utiliser leurs capacités pour le renforcer ou le transformer. L’action individuelle est présentée ici comme une forme hybride entre volontarisme et déterminisme. Les piliers institutionnels et les acteurs sont alors inscrits dans un réseau de pouvoirs et de contraintes mutuelles qui produisent des mécanismes d’autoréglage et de transformation. Notre modèle théorique questionne ainsi la nature des institutions. En dépassant le débat réalisme-socioconstructivisme sur l’ontologie des institutions, nous décrivons l’institution comme un système de pouvoirs, dans lequel des éléments de nature différente interagissent et permettent la circulation et la transformation des contraintes et des possibles. Ce modèle théorique propose ainsi une nouvelle approche institutionnelle qui pourra être utile pour de futures recherches empiriques. En particulier, il permet de mieux instruire le lien acteur institution en évitant des écueils réductionnistes. En outre, en formalisant les éléments de l’institution et en la définissant comme un système de pouvoir, il invite le chercheur à porter son regard sur la multiplicité des porteurs institutionnels, leur interaction, et leur lien avec les acteurs pour comprendre la dynamique institutionnelle et ses antécédents.