Une brève revue de la littérature à l'interface entre le développement durable (DD), la responsabilité sociétale des entreprises (RSE) et la "théorie" des parties prenantes, nous a conduits à formuler quelques questions de recherche pour commencer notre étude de cas sur la Banque Triodos. Comment une banque, fondée avec le projet et l'objet de soutenir le développement durable et l'économie "sociale", et en particulier les innovations responsables réussit-elle dans l'accomplissement de sa mission ? Quelle est l'évolution de ses stratégies (contenu, processus) et de ses actions? Comment Triodos aligne-t-elle ses stratégies et actions sur sa mission? Comment les intervenants, internes et externes, sont-ils impliqués dans le processus stratégique et comment contribuent-ils à cet alignement? Le présent document vise à donner des réponse à ces questions. Il présente et discute les conclusions préliminaires tirées de l'étude de cas sur la branche belge de la Banque Triodos, l'une des pionnières européennes et leader dans son domaine. Le cas explore les origines et l'évolution de la stratégie "visionnaire" de la banque, ancrée dans les valeurs liées à la RSE, explicitées dans sa mission d’entreprise et les principes qui guident l'exercice de son métier. Le développement du portefeuille de produits-services couplé à l'expansion internationale (Pays-Bas, Belgique, Royaume-Uni, Espagne, Allemagne) a permis à Triodos de soutenir sa croissance. Nos premiers résultats suggèrent que des banques comme Triodos peuvent être à la fois socialement responsables et économiquement rentables y compris en période de crise. Le document met l'accent sur le rôle des valeurs liées au DD et à la RSE et sur leur adéquation avec la mission de la Banque, ses activités, ses stratégies d'entreprise et les politiques qu’elle met en oeuvre et sur la manière dont cet alignement est réalisé. L'accent est mis sur l'implication et l'engagement des parties prenantes internes, mais aussi "externes", dans cet alignement. Notre analyse montre que l'alignement de la mission, des politiques, des stratégies et des actions aux dimensions liées à la RSE et au DD se réalisent grâce à une interaction entre dimensions «stables» et dimensions «dynamique». Les dimensions "stables" et omniprésentes couvrent la mission, les principes directeurs, les politiques et les valeurs professées, mais aussi la coordination formelle et les mécanismes d'intégration mis en place à chaque étape du processus stratégique. Les dimensions dynamiques permettent d'adapter les stratégies et les actions aux caractéristiques des contextes locaux (adaptation locale) tout en s'interrogeant sur leur harmonisation avec les dimensions stables grâce à l'implication et l'engagement direct des parties prenantes internes mais aussi externes. Cette interaction soulève la question sous-jacente du "partage de valeurs» et de l’identification des caractéristiques des processus d'apprentissage destinés à faciliter l'adéquation.
Dans ce papier, nous mettons en évidence l’existence d’une relation entre le fait d’être une entreprise innovante et d’adopter une démarche RSE. Deux propositions sont testées : (1) il y a une liaison directe et positive au niveau des entreprises entre un comportement d’innovation technologique et la mise en oeuvre de pratiques relevant de la RSE, (2) il y a une liaison directe et positive entre un comportement d’innovation technologique et le degré d’engagement dans la RSE. Nous utilisons des données de deux enquêtes conduites auprès d’entreprises luxembourgeoises. Les régressions logistiques indiquent que la première proposition est vérifiée, quel que soit le type d’innovation technologique, après avoir contrôlé les effets liés à la taille et à l’appartenance sectorielle. Un modèle logit multinomial ordonné valide la seconde.
Actuellement, l’économie de fonctionnalité est considérée par certains comme une des solutions possibles pour atteindre un mode de développement durable. En effet, des auteurs préconisent aujourd’hui de substituer la vente de l’usage des biens à la vente des biens eux-mêmes car cela permettrait l’optimisation de la phase d’utilisation des biens et réduirait les externalités négatives liées à notre mode de développement actuel. On doit cette idée à W. Stahel (1998), selon qui l’économie de fonctionnalité, par opposition à l’économie industrielle, favoriserait la mise en place d’incitations économiques à la dématérialisation de l’économie.
Un des exemples les plus fréquemment cités est celui de l’offre Michelin Fleet Solution de la branche poids lourds de Michelin qui propose aux transporteurs d’acheter non plus des pneumatiques mais des kilomètres parcourus. Cette offre est aujourd’hui mise en avant car elle permettrait une optimisation de la phase d’utilisation des pneus et de leur fin de vie. Cependant, si on s’attache à la cause de la mise en place de cette offre, la préoccupation de Michelin était de créer de la valeur en répondant aux préoccupations de ses clients qui souhaitaient externaliser leur gestion des pneumatiques. Cette stratégie semble donc correspondre à ce que différents chercheurs en sciences de gestion ont mis en avant depuis longtemps, à savoir la nécessité pour les entreprises de descendre la chaîne de valeur (Wise and Baumgartner 1999). Il nous semble alors inévitable de faire le lien avec les nombreux travaux existants sur la « servitization » (Vandermerwe and Rada 1988) avec par exemple la vente de services autours de produits (Furrer 1997) et la vente de systèmes et solutions intégrés (Mattsson 1973; Wise and Baumgartner 1999; Brady, Davies et al. 2005).
Dans le prolongement des idées de Stahel plusieurs concepts ont été développés. En effet, différents groupes de chercheurs, issus pour la plupart des sciences de l’ingénierie, design ou sciences de l’environnement, ont élaboré différents concepts définissant des catégories d’offres devant illustrer ce que pourrait être l’économie de fonctionnalité en pratique. Ces concepts sont les suivants : functional sales (Östlin, Lindahl et al. 2006), eco-efficient services (Meijkamp 2000; Bartolomeo, dal Maso et al. 2003), product-service systems (Mont 2004; Tukker and Tischner 2004). Cependant, ces différents concepts ne semblent pas correspondre pleinement à la proposition de Stahel dans la mesure où les différentes catégories d’offres n’engendrent pas systématiquement l’efficience environnementale évoquée par Stahel.
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Par ailleurs, la quasi-totalité de ces travaux ignorent les travaux réalisés en sciences de gestion sur la « servitization » alors que nous avons fait remarquer plus haut, au travers du cas de Michelin, que ce lien nous semblait évident. Et réciproquement, les travaux en sciences de gestion dans le champs de la « servitization » ignorent quant-à eux la question du développement durable (Baines, Lightfoot et al. 2009).
Tout cela fait que nous pouvons comprendre qu’il est difficile aujourd’hui de percevoir clairement la valeur ajoutée de l’économie de fonctionnalité. Malgré cela, la piste stratégique nous semble très intéressante dans la mesure où elle questionne le système économique dominant. C’est pourquoi nous avons décidé d’effectuer une revue de la littérature complète autour de ce sujet avec un regard critique et l’émission de propositions. Cette revue de littérature constitue la première étape d’un projet de recherche doctorale en cours.