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Simon Fanny, Tellier Albéric

Cette recherche porte sur la créativité des individus au sein des organisations. Celle-ci apparaît comme un élément décisif pour l’entreprise innovatrice. Nous considérons que la créativité est fondamentalement un processus social qui suppose l’implication de différents individus et mobilisons ainsi la théorie des réseaux sociaux. Notre objectif est d’analyser l’influence des réseaux sociaux sur les idées nouvelles qui alimentent le processus d’innovation. Il s’agit plus particulièrement de suivre, au sein d’un centre de R&D d’un fabricant de semi-conducteurs, des « intuitions créatives » de la phase de génération à la phase d’engagement (ressources engagées), de les évaluer à des moments différents et de tracer les réseaux sociaux des individus ayant participé à leur génération à leur consolidation et à l’attribution de ressources. Ce suivi longitudinal doit permettre de vérifier si l’évolution du réseau social influence le type d’idées générées lors des premières phases du processus d’innovation et d’analyser le comportement des acteurs au sein de ces réseaux (leur motivation à activer tel ou tel lien, à rechercher des liens nouveaux, etc.). En 2006, des intuitions créatives ont été identifiées avec l’aide de managers. L’utilisation de cinq critères a permis finalement d’en sélectionner et d’en traiter cinq. Les cas ont été étudiés en temps réel. Il a donc été possible de suivre leur évolution au fur et à mesure, mois par mois. Pour chaque cas, une base de données secondaires a été constituée à partir des revues mensuelles des projets, du journal interne de l’entreprise, d’articles et de communiqués de presse spécialisés et d’une liste des propositions de brevets. Sur la période d’observation, nous avons également réalisé 50 entretiens avec des acteurs impliqués. A partir des données collectées, nous traçons les réseaux complets des personnes ayant contribué aux projets (apport d’idées et soutien). Pour chaque cas nous disposons de deux représentations réalisées à deux périodes espacées d’environ trois ans. Les caractéristiques des réseaux sont alors examinées. La revue de littérature nous conduit à analyser la structure des relations au sein de l’équipe et les types de liens qui connectent les membres. Il apparaît également nécessaire d’analyser la répartition des liens avec l’extérieur. Parallèlement, nous avons positionné les cinq intuitions créatives sur « l’innovation map » de Smith et Tushman (2005) également pendant les deux périodes. Ce dispositif permet d’identifier la trajectoire des intuitions. Au terme de ce travail, trois trajectoires ont pu être observées. Le lien entre le niveau de nouveauté en termes technologiques ou de marché de l’intuition première et le niveau de rupture de l’innovation finale n’est pas direct. En d’autres termes, une intuition radicalement nouvelle n’aboutit pas toujours à une innovation d’exploration. Ce résultat est important car il est en contradiction avec certains travaux sur la créativité organisationnelle qui ont posé un lien entre le niveau de rupture de l’idée première et la nature de l’innovation. La caractérisation des réseaux complets dédiés à chaque cas montre également qu’à la trajectoire d’une intuition correspond une évolution du réseau. Il s’agit là aussi d’un résultat important puisque ce lien, déjà pressenti par la littérature sur les réseaux sociaux (Kijkuit et Van den Ende, 2007), n’avait pas été, à notre connaissance, mis en évidence empiriquement.