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Rouquet Aurélien, Suquet Jean-baptiste

En vue de générer des connaissances valables, l’immersion des chercheurs sur le terrain constitue aujourd’hui une voie reconnue en sciences de gestion, qui, si elle reste encore minoritaire, n’en est pas moins particulièrement pertinente pour observer et théoriser certains aspects difficilement accessibles des organisations. S’immerger est néanmoins problématique pour un chercheur, qui doit surmonter de nombreux obstacles tels que les aléas de la vie organisationnelle, les réticences mais aussi les attentes des acteurs qui réagissent à sa présence au sein de l’organisation. Ainsi, la réussite d’une immersion passe par une capacité du chercheur à gérer sur la durée une ou plusieurs trajectoires dans l’organisation retenue. Or les travaux consacrés à la méthodologie d’immersion ont jusqu’ici principalement porté sur la réflexivité du chercheur immergé par rapport au hic et nunc de la situation dans laquelle il est engagé. L’article se propose de compléter ces travaux en avançant dans une autre perspective : la capitalisation de l’expérience méthodologique accumulée en matière d’immersion en entreprise, pour dégager et caractériser des trajectoires types permettant au chercheur d’anticiper le déroulement de sa recherche. S’appuyant sur deux cas de recherche par immersion (l’une portant sur la gestion de la relation de service et de la fraude à la RATP ; l’autre sur l’élaboration de standards logistiques au sein de GALIA), l’article dégage par comparaison des dimensions d’analyse des situations d’immersion et propose un outil d’analyse afin d’aider le chercheur à mieux anticiper et piloter ses trajectoires. Les deux dimensions considérées dans le construit sont la reconnaissance par les acteurs : (1) de son statut de chercheur ; (2) de son caractère opérationnel. Les résultats de l’article se veulent exploratoires et demandent à être approfondis et complétés par l’examen d’autres recherches par immersion, de façon à développer et capitaliser un corpus de connaissances disponibles pour les chercheurs souhaitant recourir à une méthodologie d’immersion.

Rouquet Aurélien

A l’instar des autres disciplines scientifiques, les sciences de gestion s’appuient de manière implicite sur une conception linéaire et chronologique de la temporalité. Bien qu’elle ait été critiquée, une telle vision du temps imprègne encore largement les méthodologies scientifiques déployées en gestion comme notre compréhension de la vie des organisations. La faute sans doute aux difficultés pour les chercheurs de rendre compte des logiques temporelles non-linéaires qui peuvent être à l’oeuvre en gestion, et qui par nature sont plus complexes à caractériser. C’est dans cette perspective que s’inscrit cette communication. En effet, notre objectif ici est d’aider à la constitution d’outils permettant de mieux appréhender ces logiques temporelles complexes. Pour cela, nous proposons concrètement d’importer en gestion une théorie forgée en littérature par Pierre Bayard (2009) : celle du « plagiat par anticipation », qui exprime le fait qu’un écrivain serait capable de plagier un écrivain à venir. Dans cette optique, notre propos s’articule en trois temps. Dans une première partie, nous présentons la théorie du plagiat par anticipation telle qu’elle a été formulée par Pierre Bayard. Reprenant le fil de son essai, nous voyons ainsi ce que recouvre la notion de plagiat par anticipation ; de quelle manière ce plagiat peut être distingué du plagiat classique ; comment le fait de plagier par anticipation peut-il être expliqué ; enfin, quelles sont les conséquences de l’existence du plagiat par anticipation sur notre conception de l’histoire littéraire. Dans une deuxième partie, nous argumentons la possibilité de transposer cette théorie à la gestion. Par rapport à la littérature, nous montrons alors que deux types de plagiats peuvent être relevés en gestion : des plagiats par anticipation de théories gestionnaires, qui interviennent au niveau textuel, entre théoriciens ; des plagiats par anticipation de modes d’organisations, qui interviennent à un niveau empirique, entre praticiens. Dans une troisième partie, nous tirons enfin un certain nombre de conséquences de l’existence du plagiat par anticipation en gestion. Nous montrons alors que ce concept permet d’accéder à une représentation plus riche des logiques temporelles non linéaires qui sont parfois à l’oeuvre en gestion. Précisément, ce concept contribue selon nous à une triple réévaluation : celle de notre compréhension de l’histoire des sciences de gestion ; celle ensuite des stratégies mimétiques déployées par les organisations ; celle enfin des méthodologies déployées par le chercheur en gestion.