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Guelardi Pierre

L’année 2009 aura été décisive pour la fusée européenne Ariane 5 avec sept lancements réussis (un record), la décision de la mise en place d’un programme de développement de « milieu de vie » (Ariane 5 Mid-Life Evolution) et la signature d’un nouveau contrat portant sur la fourniture de 35 lanceurs couvrant la période 2011-2016. La production de ce type de systèmes complexes est un domaine particulièrement intéressant pour la recherche en sciences de gestion. En effet, les particularités de la production (longueur des cycles, petites séries, …) et les caractéristiques mêmes du produit (complexe, unique, …) font que les outils de gestion classiques ne peuvent pas être utilisés comme dans une production traditionnelle. Il est donc nécessaire de trouver de nouveaux outils adaptés au pilotage de la production de systèmes complexes. Cela est particulièrement le cas lorsque ce type de production est sujet à l’apparition d’événements non prévus dans le plan de production initial, comme la mise en oeuvre de changements dans la configuration du produit appelés « évolutions techniques » ou « modifications ». Dans cette communication, nous nous posons la question de savoir s’il est possible de piloter les coûts d’une production complexe quand les impacts liés à la survenance d’événements nouveaux (dans notre cas la mise en oeuvre d’évolutions techniques) ne sont pas systématiquement suivis et tracés par les processus mis en place par l’organisation (ici le processus de gestion des modifications du programme de production Ariane 5). Notre recherche s’inscrit dans le cadre d’un doctorat CIFRE effectué au sein de l’entreprise EADS Astrium. La recherche se poursuivant jusqu’en 2011, nous présentons ici certains des résultats intermédiaires obtenus jusqu’à présent. Ceux-ci ont été acquis grâce à une recherche-action effectuée en immersion dans le Programme de production du lanceur Ariane 5. Ils comprennent les données recueillies sur le terrain grâce aux entretiens individuels et collectifs organisés, mais aussi celles issues de la participation aux réunions dédiées au traitement des modifications. L’analyse du comportement des différents acteurs impliqués dans le processus en interne (Ingénieurs, Contrôle Programme, Responsables Programme, Equipe d’Intégration) nous a permis de problématiser le réseau de la gestion des modifications autour de l’existence de l’objet « modification sans coûts ». La réalité de cet objet est révélatrice d’une situation où les impacts liés à l’application de nouvelles évolutions techniques ne sont pas systématiquement tracés par l’organisation. A partir de là, nous avons pu reconstituer les différentes logiques de traduction émergentes dans le réseau : une définie par les Ingénieurs appliquée dans l’entreprise, et une autre souhaitée par le Contrôle Programme non appliquée actuellement. Nous proposons finalement une discussion autour d’une évolution possible de l’équilibre actuel vers un suivi plus systématique des impacts des modifications avec la création d’un nouvel objet, la « modification avec coûts ».