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Poroli Corinne
Le processus de la mort organisationnelle : une approche par la théorie de la complexité

Auteur

Corinne POROLI

 

Résumé

L’objectif de notre recherche est de contribuer à améliorer la compréhension de la mort organisationnelle, à partir d’une approche de la mort comme processus. Ce thème de recherche, avec cet angle d’approche, est peu courant dans la littérature. Le thème du déclin organisationnel a été relativement peu étudié par les chercheurs en sciences de gestion, le thème de la mort encore moins. Ce désintérêt des chercheurs contraste avec l’engouement pour un thème comme la performance, plus « positif » et peut-être plus stimulant. Cependant, le déclin et la mort sont des événements fréquents et majeurs dans la réalité des entreprises : fréquents, comme l’indiquent les statistiques des défaillances d’entreprises en France (17.375 défaillances au total en France en 1980, 26.425 en 1985, 46.989 en 1990 et 52.137 en 1995, selon l’INSEE) ou les inscriptions au Chapitre XI aux États-Unis ; majeurs, car c’est une réalité vécue par les acteurs de l’organisation, une expérience particulière dont ils ne sortent pas indemnes.

Un premier intérêt d’étudier le processus de la mort est donc empirique. D’une part, une meilleure compréhension de la mort organisationnelle peut aider les dirigeants d’entreprise dans certaines prises de décisions stratégiques. D’autre part, examiner le processus de la mort conduit à s’interroger sur l’efficacité du redressement et de la liquidation judiciaires et sur les améliorations à apporter au système des procédures collectives, ce qui peut constituer une aide aux Pouvoirs Publics.

L’intérêt de cette recherche est aussi et surtout de combler un manque dans la littérature, en ce qui concerne le processus de la mort. En effet, les travaux sur ce thème se sont le plus souvent focalisés sur des populations d’organisations. Cela revenait à expliquer les taux de mortalité dans une population donnée en fonction de variables comme la taille, l’âge, la densité de population, sans tenir compte de la mort en tant que processus vécu par les acteurs. Certaines études plus individuelles ont pris en compte l’organisation et non la population d’organisations : quelques analyses « processus » sont apparues, notamment celles de SUTTON et de KRANTZ. C’est cette voie que nous voulons poursuivre en nous attachant à montrer la complexité de la relation vie - mort.

Dans cette perspective, notre travail s’attachera à répondre au questionnement suivant : Quels sont les processus sous-jacents à la mort organisationnelle ? La confrontation avec le terrain a conforté d’une part la pertinence de cette approche de la mort comme processus, d’autre part la complexité des interrelations, organisations et désorganisations, en particulier la relation vie-mort-vie. La théorie de la complexité développée par Edgar MORIN nous a fourni un cadre conceptuel spécifique permettant de ne pas tomber dans l’écueil de la simplification de ces observations.

Notre méthodologie est qualitative à orientation historique et basée sur huit cas de morts organisationnelles. Le but est de comprendre la multidimensionnalité du processus de la mort organisationnelle, pour répondre au défi de la complexité. Nous nous proposons, dans un premier temps, de présenter une brève synthèse de la revue de littérature, puis, nous élaborerons notre cadre conceptuel basé sur la théorie de la complexité et enfin, nous exposerons notre méthodologie.