Auteur
Samuel MERCIER
Résumé
La question éthique est entrée dans le champ de l’actualité depuis une dizaine d’années, on peut toutefois se demander si elle peut accéder au statut de nouvel art de management. L’analyse des politiques éthiques des entreprises opérant en France nous permet de présenter quelques éléments de réponse.
La formalisation éthique consiste à poser explicitement, par écrit, les idéaux, valeurs, principes et prescriptions de l’entreprise. Elle prend donc l’aspect d’un document de référence rédigé par l’entreprise énonçant ses valeurs et comportant une dimension éthique. Ce document est établi en liaison avec la culture de l’entreprise. Le document éthique permet de positionner l’entreprise dans le cadre de sa politique générale. Selon Berenbeim (1992), c'est un véhicule majeur pour établir des principes éthiques. En effet, il occupe le terrain entre la loi et les valeurs internalisées de la société. C’est donc un des rares instruments concrets que les entreprises peuvent utiliser pour montrer leur attachement aux principes éthiques et intégrer la question dans le management.
Le management stratégique comprend l’analyse stratégique (qui consiste à définir et mettre en oeuvre les orientations futures de l’entreprise, produits, marchés, technologies) mais il comprend aussi une réflexion sur l’éthique de l’entreprise. En effet, c’est par l’expression de son éthique que l’entreprise affirme son caractère unique et qu’elle permet à ses membres de vivre un sentiment d’appartenance.
La formalisation éthique devient donc une nouvelle dimension de la politique l’entreprise complétant la stratégie. Elle permet à l’entreprise de formuler les contraintes provenant de la société ainsi que les engagements autonomes qu’elle s’impose. Lorsqu’elles sont confrontées à un problème, les entreprises ne sont pas seulement guidées par l'analyse de ce qui est mais aussi par la prise en compte, souvent implicite et confuse, de ce qui leur paraît «devoir être». Des valeurs sont donc présentes dans leurs choix et les orientent pour partie. C'est ici qu'intervient la dimension éthique. Le choix éthique ne se pose que là où il existe un degré de liberté d’action pour les entreprises : les décisions prises sous une contrainte absolue ne sauraient être évaluées du point de vue éthique. Cependant, au niveau de la direction des entreprises, il existe une marge de manoeuvre importante. Ainsi, la qualité requise pour diriger les entreprises ne se mesure pas seulement en terme de compétences managériales. La dimension éthique doit être également prise en compte en étudiant la relation entre les moyens employés et les fins visées.
Nous montrerons dans un premier temps que l’engouement actuel pour l'éthique n'est pas dû au hasard mais aux nécessités du moment et à l'évolution des modes de pensée des dirigeants. De plus en plus, les entreprises sont tenues de justifier leurs moyens d’action et la finalité de leurs activités. La formalisation répond donc à un double enjeu : elle permet à l’entreprise de prendre en compte les pressions de l’environnement et constitue un moyen de régulation interne. Dans ce contexte, c’est la Direction Générale qui dans l’entreprise prend la décision de formaliser. Puis, nous examinerons la manière dont se forme la politique éthique formelle et analyserons l’intérêt stratégique des documents éthiques.
Enfin, nous nous livrerons à une analyse critique de cette instrumentalisation de l’éthique.