AIMS

Claessens Michel, Nguyen Pascal
Situation sectorielle, lien avec l’acquisition et évolution de la performance de l’acquéreur

Auteur

Michel CLAESSENS

Pascal NGUYEN

Résumé

Dans une période d’importantes restructurations de nombreuses industries (pharmaceutique, chimique, télécommunications...), notamment sous forme de Fusions/Acquisitions (F/A) et désinvestissements, la réalité de la performance post-acquisition de la firme acquéreuse devient une question fondamentale. En un mot, une entreprise améliore-t-elle sa performance par une acquisition ? Dans ce cas, l’amélioration est-elle systématique? Sinon, dans quelles conditions a-t-on le plus de chances de l’observer? Ces questions intéressent autant les actionnaires de la firme initiatrice, soucieux de l’utilisation appropriée de leur fonds, que les managers de cette firme, dépositaires des intérêts de leurs actionnaires et responsables du développement de leur firme. A un autre niveau, les pouvoirs publics, soucieux d’éviter les situations de monopole et de collusion, sont également concernés par cette problématique.

Alors que la littérature suggérait majoritairement que les acquisitions n’influent pas de façon significative la performance des entreprises acquéreuses (Mueller, 1980; Ravencraft, Scherer, 1987; Herman, Lowenstein, 1988), des études plus récentes (Agrawal, Jaffe, Mandelker, 1992; Healy, Palepu, Ruback, 1992; Loderer, Martin, 1992) montrent que, au moins dans le cas d’acquisitions liées, on peut observer une amélioration de la performance, cette dernière étant mesurée par le ratio des cash-flows opérationnels sur actifs réévalués. Selon ces études, le type d’acquisition (liée ou non liée à l’activité de la firme acquéreuse), permet de prédire si on observera ou non, en moyenne, un accroissement de la performance post-acquisition de la firme acquéreuse.

Toutefois, une étude récente menée par Anand et Singh (1997) dans le secteur de la défense américaine vient moduler cette affirmation et relancer le débat. En effet, on constate que dans ce secteur, quel que soit le type d’acquisition (liée ou non-liée), lorsque l’acquisition a lieu pendant la phase de croissance, la performance post-acquisition, mesurée par ce même ratio des cash-flows sur actifs réévalués, n’enregistre aucun changement. En revanche, pendant la phase de déclin, la performance post-acquisition des firmes acquéreuses est supérieure, et ce, quel que soit la nature de l’acquisition (liée ou non-liée). Cette étude suggère donc que, selon la situation sectorielle de la firme acquéreuse (phase de croissance ou phase de déclin), on peut prédire si on observera ou non, de manière générale, un accroissement de sa performance suite à l’acquisition.

Dans ces conditions, notre étude, essentiellement qualitative, fournit une proposition de typologie des acquisitions en fonction, à la fois du type de diversification externe (liée ou non) et de la phase sectorielle de la firme acquéreuse (en croissance ou en déclin). Puis, nous développons la relation qui peut exister entre la performance post-acquisition de la firme acquéreuse et l’effet combiné du type d’acquisition et de la situation sectorielle. Alors que la considération isolée de chacune des dimensions ne semble pas permettre d’apporter une conclusion quant à la variation de performance que l’on peut attendre de la firme acquéreuse, la prise en compte simultanée de ces deux dimensions devrait permettre de le faire. A cette fin, nous adaptons au cas des opérations de F/A le modèle d’équilibre en signalisation (Cho, Kreps, 1987). Par hypothèse, une entreprise révèle de l’information privée en sa possession lorsqu’elle prend une décision stratégique. Lors d’une F/A, les informations dévoilées par une firme concernent principalement sa capacité en terme de ressources, sa position concurrentielle, sa capacité financière et ses perspectives de rentabilité, voire de survie, à long terme.

Pour étayer notre raisonnement, nous passons d’abord en revue les arguments développés pour expliquer l’absence ou la présence d’un gain de performance après acquisition pour la firme acquéreuse selon le type de F/A. Ces arguments sont le plus souvent empruntés à l’approche de la firme basée sur les ressources. Nous passons ensuite en revue les arguments justifiant l’absence ou la présence d’un gain de performance après acquisition pour la firme acquéreuse selon la phase sectorielle dans laquelle elle se trouve. Ces arguments sont le plus souvent issus de l’approche industrielle et sectorielle de la stratégie. Puis, nous présentons dans notre typologie, sous forme de propositions appuyées par de courtes études de cas spécifiques ou empruntées à la littérature, l’effet combiné des types et circonstances de l’acquisition sur la performance post-acquisition de la firme acquéreuse. Enfin, nous discutons des mérites relatifs de l’approche basée sur les ressources et de l’approche industrielle pour expliquer la performance post-acquisition des firmes acquéreuses. Nous évoquons aussi l’impact et les conséquences du choix du ratio des cash-flows opérationnel sur actifs réévalués comme mesure de performance sur la portée et la validité des conclusions que l’on peut tirer en termes de performance post-acquisition de la firme acquéreuse.