AIMS

Azan Wilfrid
Faute de gestion et contrôle interne : le cas Metallgesellschaft

Auteur

Wilfrid AZAN

Résumé

Sur quelles bases juger une stratégie dans un univers de complexité ? Cette question naît de l’observation d’une réalité troublante. Il n’est de pays qui ne détienne son scandale « Crédit Lyonnais », « Procter and Gamble » ou « Metallgesellschaft » (MG). S’abstraire des pesanteurs administratives et juridiques est sans doute un rêve caressé par de nombreux entrepreneurs. De même, il est grisant pour le stratège de se fier à sa vision même si celle-ci se heurte à des contraintes matérielles. Il est envoûtant pour le décideur d’opter pour une stratégie, sans la discuter, en outrepassant ce que l’on nomme le contrôle interne et qui est la somme des procédures mises en place dans une entreprise pour en assurer la pérennité. En déduire une opposition de fait entre contrôle interne, hémisphère gauche de l’entreprise, garant de la légitimité et pensée stratégique, vagabonde, hémisphère droit est sans doute rapide. Par exemple un contrôle interne peut accepter d’être contourné pour permettre à l’entreprise de s’affranchir de contraintes notamment juridiques ou industrielles. De même, un contrôle interne peut volontairement délivrer des chiffres inexacts pour permettre à la pensée stratégique de s’épanouir au risque de laisser la faute de gestion survenir. Il ne s’agit plus de disposer d’un contrôle interne parfait, ce qui ne génère que très peu de valeur, pour une consommation énorme de ressources. L’objectif est de rester dans les franges du quasi-légal et du presque légitime, en évitant que le flou entretenu ne dégénère en scandale retentissant. La complexité ambiante continue à alimenter l’absence de repères légaux juridiques ou comptables. Le contrôle interne n’a plus qu’une fonction, celle d’éviter l’irréparable, et de détecter la faute de gestion. Le contrôle interne est donc cerné. Il doit composer avec des stratégies de plus en plus audacieuses et garantir la détection des décisions conduisant à une insuffisance d’actifs, c’est à dire isoler les fautes de gestion. Le contrôle interne est le seul rempart afin que l’extraordinaire liberté que procure notre environnement ne soit source de perditions.

La société Metallgesellschaft est spécialisée dans l’extraction et la transformation de métaux. En 1993, cette société perd la somme de 1.265 millions de dollars, sur les marchés à terme du pétrole aux Etats-Unis, et passe tout près de la faillite. Le projet stratégique de la multinationale allemande est unique dans l'industrie. Pour la première fois, une société industrielle se détourne de son objet social, pour se livrer au marketing de contrats financiers. L’attitude du contrôle interne durant cette affaire est un mélange troublant d’incompétence et de complicité.

Dans une première partie nous dresserons un bilan schématique de ce que fut l’aventure de la Metallgesellschaft aux Etats-Unis. Nous expliciterons la relation théorique qui noue complexité et contrôle interne. Dans une troisième partie, nous nous demanderons si la détection d’une faute de gestion est réalisable au travers d’instruments comme la notation. Au travers du scandale Metalgesellschaft, nous montrerons qu’il s’agit d’un système de détection de l’anomalie stratégique.