Les coûts psychologiques, sociaux et économiques de l’échec (Byrne et Shepherd, 2015; Cope, 2011; Singh et al., 2007-2015; Ucbasaran et al., 2013), font de ce phénomène un sujet sensible à aborder (Bruno et Leidecker, 1988; Cacciotti et al., 2016) et un événement indésirable et inattendu à éviter (Aaltonen et al., 2010; Politilis et Gabrielsson, 2009). C'est dans ce cadre que s'inscrivent les premiers travaux sur la défaillance des entreprises, reconnue dans la littérature anglo-saxonne sous le terme "business failure". Bien que ce phénomène ait été étudié par plusieurs disciplines (Walsh et Cunningham, 2016, p. 164), telles que le droit (Peng et al., 2010), la finance (Beaver, 1966), la sociologie (Freeman et al., 1983), l'économie (Dunne et al., 1989), le management (Moulton et al., 1996), la stratégie (Sheppard et Chowdhury, 2005) et les sciences des organisations (Mellahi et Wilkinson, 2004), ces travaux partagent le même objectif : mettre en évidence les causes qui sont à l'origine de l'échec de nombreuses entreprises et, éventuellement, réfléchir à des stratégies d'actions préventives, curatives ou encore palliatives.
C'est à partir de l'introduction de la notion de l'échec dans le champ de l'entrepreneuriat que le concept « échec entrepreneurial » a pris de l’ascendant. Si les premiers travaux sur l'échec entrepreneurial se focalisent sur les causes, les travaux menés au cours de la dernière décennie se concentrent plutôt sur les expériences d'échec vécues par les entrepreneurs. L'échec n'est plus perçu comme étant un sujet sensible qui demeure peu étudié en entrepreneuriat (Aaltonen et al., 2010; Politilis and Gabrielsson, 2009), mais comme une étape indispensable à la réussite d'un processus entrepreneurial, qui mérite d'être étudiée en profondeur (Jenkins et Mckelvie, 2016). C'est dans ce cadre que s'inscrivent les travaux fondateurs sur l'apprentissage de l'échec (McGrath, 1999; Minniti et Bygrave, 2001; Shepherd, 2003) qui suscitent aujourd'hui un intérêt croissant dans la littérature tant anglo-saxonne (Dias et Teixeira, 2017; Shepherd et al., 2016; Walsh et Cunningham, 2017) que francophone (Crutzen et Van Caillie, 2009 ; Cusin et Maymo, 2016 ; De Hoe et Janssen 2016 ; Khelil et al., 2012 ; Krauss, 2009 ; Philippart, 2017). L'attention ne porte plus aujourd'hui uniquement sur les causes d'échec à éviter mais plutôt sur les leçons à tirer des échecs afin de les capitaliser.
L'augmentation du nombre de publications scientifiques, l'existence de plusieurs revues prestigieuses (spécialisées ou non) publiant sur le sujet, l'apparition d'ouvrages collectifs (Shepherd, 2013; Shepherd et al., 2016) et de numéros spéciaux (Detienne et Wennberg, 2016; Levratto et Brédart, 2018), l'existence d'une logique de capitalisation des connaissances (voir les revues de littérature conduites par Jenkins et Mckelvie, 2016 ; Ucbasaran et al., 2013 et Walsh et Cunningham, 2016), nous amène à la conclusion suivante : l'échec commence à occuper une place grandissante et fondamentale dans la littérature académique sur l'entrepreneuriat. Ce phénomène est aujourd’hui considéré comme un vrai objet d'étude qui suscite l'intérêt des chercheurs (Corner et al., 2017; Eberhart et al., 2017; Jenkins et McKelvie, 2017 ; Shepherd et Patzelt, 2017; Walsh et Cunningham, 2017).
Quelle que soit l'approche théorique (déterministe versus volontariste) ou méthodologique (qualitative versus quantitative) mobilisée ou, encore, le niveau d’analyse étudié (entrepreneur, entreprise, environnement), les chercheurs sont toujours confrontés à la réalité complexe et protéiforme de l’échec entrepreneurial (Khelil, 2016). La diversité et l'interdépendance des éléments objectifs et subjectifs, qualitatifs et quantitatifs, économiques et psychologiques inhérents à la fois à l’entrepreneur et l’entreprise qu’il créée, rendent les approches disjonctives désuètes. Bien que les approches traditionnelles de la défaillance d’entreprises adoptant le plus souvent une perspective linéaire et binaire dominent à ce jour, il existe une tendance de plus en plus marquée aux approches intégratives. Selon ces approches, l'échec est vu comme un phénomène multidimensionnel et complexe composé de différents éléments interdépendants qui interagissent sur plusieurs niveaux.
C’est dans ce cadre que s’inscrit cet appel à contribution. Au-delà de la question des causes (pour quelles raisons certaines entrepreneurs échouent-ils et d’autres non ?) ou encore les conséquences (quelles sont les conséquences que peut avoir l’échec de l’entreprise sur l’entrepreneur ?), d’autres questions sont en jeu :
- Qu’est qu’un échec entrepreneurial ?
- Comment les entrepreneurs interprètent-ils leur échec ?
- Pour quelles raisons certains entrepreneurs apprennent-ils beaucoup plus de leur échec que d’autres ?
- Pour quelles raisons certaines entrepreneurs ont beaucoup plus peur de l’échec que d’autres ?
- Comment accompagner les entrepreneurs en situation d’échec ?
3e Colloque Interdisciplinaire sur la Défaillance d'Entreprise
Ce numéro thématique sera précédé par le 3e Colloque Interdisciplinaire sur la Défaillance d'Entreprise (CIDE 2018). Ce colloque, qui se déroulera le 15 juin à l’Université de Caen, est co-organisé par le Centre de Recherche en Economie et en Management de l’université de Caen (CREM - UMR CNRS 6211), l’unité mixte de recherche du CNRS EconomiX (Université de Nanterre) et l’institut de recherche humanOrg de l’Université de Mons. Centrée sur les approches multidimensionnelles de la défaillance des entreprises, cette troisième édition du CIDE est parrainée par l’Académie de l’Entrepreneuriat et de l’Innovation (AEI) ainsi que par l’Association Internationale de Recherche en Entrepreneuriat et PME (AIREPME). Les auteurs des meilleures communications recommandées par les évaluateurs seront invités à soumettre une version enrichie de leur texte à ce numéro thématique.
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