AIMS

Perspectives critiques en management - 2024 à 2027

Responsables :

 
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Léa Dorion Université Paris Saclay
 
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Alban Ouahab Telecom Paris Tech
 
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Hélène Picard Grenoble Ecole de Management


Objet du groupe thématique :

Le groupe thématique « approches critiques en management » vise à poursuivre l’animation d’un espace d’expression et de réflexion autour des perspectives critiques en management, stratégie et théorie des organisations (nous regrouperons ces trois disciplines sous le terme de management par la suite).

Ces approches peuvent être définies au sens large comme cherchant à dénaturaliser, à déconstruire, les pratiques et les concepts du management, en ne cherchant pas à contribuer à améliorer la performance des organisations, mais plutôt à prendre du recul de manière réflexive sur ces pratiques et ces concepts (Fournier & Grey, 2000). Traditionnellement, les approches critiques mobilisent des penseurs issus du champ des sciences sociales (Sponem & Morales, 2009), pour déployer des analyses tant structuralistes (d’inspiration marxistes) que post-structuralistes (d’inspiration foucaldienne) (pour une synthèse, voir Adler, Forbes, & Willmott, 2007). Plus largement, des travaux féministes (Calas & Smircich, 2006) ou encore post-colonialistes (Banerjee & Linstead, 2001) permettent de jeter un éclairage critique sur les objets du management. 

Le champ des « critical management studies » s’est développé depuis plusieurs décennies de façon importante au sein de la recherche anglophone (Hartmann, 2014). La progressive institutionnalisation de ces approches a vu la création d’une section « CMS » à l’Association of Management. Une conférence dédiée spécifiquement aux CMS a également lieu tous les deux ans. Ces approches ont leurs revues dédiées, qui assoient leur légitimité académique et scientifique. Nous pouvons notamment citer Organization et Management Learning.

Dans le monde francophone, cette institutionnalisation fait également l’objet de dynamiques actives. En particulier, un colloque doctoral « approches critiques en mangement » a lieu depuis 2012, auquel le GT est désormais associé depuis 2022 afin de fédérer une communauté active de doctorant.e.s sur ces sujets. Plusieurs ouvrages collectifs ont également été publiés (e.g. Perret & Taskin, 2019). Enfin, certaines revues francophones font désormais une place importantes aux travaux critiques, comme par exemple M@n@gement, qui a désormais un éditeur spécifiquement attaché à cette catégorie de recherches (voir par exemple Ouahab & Maclouf, 2019) ). D’autres revues, comme la Revue Française de Gestion, proposent également des travaux cherchant à penser des alternatives aux modes de management actuels (voir par exemple : (Dorion, 2017; Dorion & Ouahab, 2022; Picard & Martí Lanuza, 2016).

Il paraît donc important d’accompagner ce développement dans le monde Francophone où la tradition critique en sciences sociales est établie de longue date. À ce titre, l’AIMS est l’endroit le plus pertinent et légitime pour accueillir cette communauté.

Face aux évolutions du capitalisme néolibéral, à la visibilité et l’importance des mouvements sociaux de contestation, qu’ils soient anticapitalistes, féministes, ou antiracistes, le nombre de doctorant.e.s et docteur.e.s travaillant sur des enjeux critiques au sein de la discipline management est de plus en plus important, d’autant qu’il est désormais possible et reconnu de produire de la connaissance critique au sein de ce champ. Nous proposons d’articuler ce GT autour de quatre axes, interconnectés, qui n’ont donc pas vocation à être explorés indépendamment les uns des autres.

Axe 1 : Penser les formes alternatives d’organisations

Dans la lignée de travaux récents un premier axe consiste à explorer les formes alternatives d’organisations aux modèles d’affaires dominants. Ces organisations sont guidées par des idéaux de démocratie, d’autonomie, d’émancipation et de solidarité (Dorion, 2017; Parker, Cheney, Fournier, & Land, 2014). Malgré une difficulté persistante à imaginer des formes véritablement alternatives d’organisations (Dorion & Ouahab, 2022), de nombreux travaux ont cherché à en cartographier la diversité, à en étudier la diffusion et à explorer les possibilités de fonctionnements véritablement démocratiques (Barin-Cruz, Alves, & Delbridge, 2017). Nous proposons de poursuivre ce champ en contribuant à la théorisation de ces alternatives et à dépasser une concentration trop forte sur les seules questions de prises de décision.

 

 

Axe 2 : Perspectives féministes et décoloniales Si les perspectives féministes sont aujourd’hui largement discutées en sciences sociales, elles restent cependant très marginales en sciences de gestion (Pour des exceptions, voire Ashcraft, 2001; Calas & Smircich, 2006). Les implications méthodologiques (Dorion, 2021) et théoriques de ces approches semblent pourtant fécondes et nécessitent des investigations plus poussées que nous aimerions pouvoir développer dans le cadre de ce GT. De la même façon, les travaux décoloniaux restent marginaux en sciences de gestion. Pourtant, la question de savoir comment parvenir à construire des organisations et des pratiques de management décoloniales et antiracistes est loin d’être résolue et mériterait des investigations supplémentaires (Grier, Thomas, & Johnson, 2019; Johnson, Thomas, Harrison, & Grier, 2019). 

Axe 3 : La domination au travail. Puisant dans les traditions de la sociologie critique (e.g. Burawoy, Bourdieu, Courpasson, Linhart) mais aussi dans des approches psychosociales (e.g. Dejours, de Gaulejac, Arnaud & Vidaillet) ou dans les philosophies post-structuralistes (e.g. Foucault), les approches critiques se saisissent d’un projet de mise à jour et de dénaturalisation des dynamiques de pouvoir et de domination dans les organisations. Ainsi, les recherches peuvent mettre en lumière les côtés « sombres » ou les effets toxiques de formes de management contemporaines présentées comme progressistes (Daudigeos, Edwards, Jaumier, Pasquier, & Picard, 2021; Picard & Islam, 2020), ou encore montrer comment les évolutions du monde du travail génèrent de nouvelles modalités de domination avec leurs conséquences matérielles, subjectives, environnementales propres (Peticca-Harris, DeGAMA, & Ravishankar, 2020).

Axe 4 : Pédagogie et engagement des chercheur.euses critiques. Le positionnement anti-performatif (au sens d’une volonté de rompre avec la quête de performance managériale), cité ci-dessous comme l’un des ancrages centraux des CMS (Fournier & Grey, 2000), a notablement été nuancé au sein des débats critiques. Ainsi, la notion de « performativité critique » a-t-elle émergé (Spicer, Alvesson, & Kärreman, 2009)pour interroger la responsabilité d’une critique qui peut s’engager aux côtés des acteurs dominés, des mouvements sociaux ou encore des organisations alternatives. Cet enjeu de l’engagement des chercheur.euses peut être exploré par des méthodologies de recherche spécifiques (e.g. ethnogaphie, recherche action participative…). La question de la performativité critique, ou de l’activisme intellectuel (Contu, 2020), vient aussi nourrir les réflexions sur les pédagogies critiques ou la Critical Management Education, stimulant de vifs débats quant à l’avenir des CMS dans un paysage académique confronté aux pressions du capitalisme néo-libéral (Parker, 2021).

Pour réaliser ce programme de recherche dans le cadre du GT, nous visons l’organisation de ST-AIMS lors de chaque année, de poursuivre la co-organisation des colloques doctoraux sur les perspectives critiques en gestion. Nous souhaiterions également introduire une journée de recherche thématique par an en dehors de l’AIMS. Par exemple sur un thème comme la science-fiction et imaginaires alternatifs ou gestion et écologie politique.